SUR LA RECEVABILITE des requêtes No 17003/90 et No 18206/91 présentées par Renato FADINI contre la Suisse __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 8 janvier 1993 en présence de MM. G. JÖRUNDSSON, Président en exercice de la Deuxième Chambre S. TRECHSEL A. WEITZEL J.-C. SOYER H. G. SCHERMERS H. DANELIUS MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 22 juin 1990 par Renato Fadini contre la Suisse et enregistrée le 9 août 1990 sous le No de dossier 17003/90 ; Vu la requête introduite le 11 décembre 1990 par Renato Fadini contre la Suisse et enregistrée le 16 mai 1990 sous le No de dossier 18206/91 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante : EN FAIT Le requérant est un ressortissant suisse, né en 1937. Il est chancelier adjoint du tribunal d'appel de Lugano et réside à Mendrisio (Tessin). Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Le 7 décembre 1988, le département militaire du canton de Tessin a infligé au requérant une amende de 200 FS pour avoir omis de se présenter et de participer aux cours introductifs de la protection civile qui se sont tenus à Mendrisio du 25 au 26 février 1988. Le requérant avait en fait refusé de participer aux cours introductifs de formation des personnes astreintes à la protection civile depuis 1985. Il avait alors indiqué que le service de la protection civile n'avait, à son avis, d'autre but "que celui de maintenir vivante chez le peuple la conviction que la guerre était un fait inéluctable" et qu'un cours de ce type contribuerait nécessairement et inévitablement à cultiver chez les participants l'idée qu'une guerre chimique ou une guerre atomique serait un fait normal et non une violation des droits fondamentaux de l'homme. Ultérieurement, le requérant a complété sa prise de position en indiquant que la protection civile faisait partie de la défense nationale et que sa conviction religieuse de chrétien lui interdisait d'adhérer à une forme de violence institutionnalisée telle que la défense nationale. Le 26 septembre 1988, le requérant a présenté un recours au tribunal administratif cantonal de Lugano contre la décision du département militaire cantonal, lui imposant l'amende de 200 FS. Son recours a été rejeté le 21 novembre 1989. Contre ce rejet, le requérant a introduit devant le Tribunal fédéral un recours en nullité et un recours de droit public. Dans le cadre de ce dernier, il a allégué une violation de l'article 9 de la Convention. Par arrêt du 12 juin 1990, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public. Pour autant que le requérant a invoqué l'article 9 de la Convention, le Tribunal fédéral a estimé que le recours était, sur ce point, manifestement mal fondé, le service de protection civile prévue par la loi suisse ne constituant pas un service civil de remplacement pour objecteurs de conscience au service militaire mais un service de secours à la population civile, le refus duquel ne saurait être accepté pour des motifs religieux ou éthiques. En février 1989, le requérant a de nouveau refusé de participer aux cours de protection civile. Le 21 mars 1990, le Procureur public du canton de Tessin a infligé au requérant la peine de six jours d'arrêts avec sursis pour infraction à la loi fédérale sur la protection civile. Cette peine a été confirmée par sentence du 15 novembre 1990 du Pretore de Mendrisio-Nord, notifiée au requérant le 23 novembre 1990. Le 27 mai 1991, le Procureur public du canton de Tessin a infligé au requérant une autre peine de huit jours d'arrêt pour son refus de participer au cours de protection civile en janvier 1991. Il a également révoqué le sursis précédemment accordé au requérant. GRIEF Le requérant soutient que les sanctions qui lui ont été infligées pour avoir refusé de participer aux cours de protection civile constituent des ingérences injustifiées dans son droit à la liberté de conscience et de religion. Il invoque l'article 9 de la Convention. EN DROIT 1. La Commission observe que les requêtes présentent des éléments de connexité quant aux faits et griefs et décide de les joindre, en application de l'article 35 du Règlement intérieur. 2. Le requérant se plaint de sanctions qui lui ont été infligées pour son refus de participer aux cours de protection civile et allègue une violation de l'article 9 (art. 9) de la Convention qui dispose en son paragraphe premier : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites." La Commission rappelle que cette disposition protège les comportements qui constituent l'expression directe d'une conviction religieuse ou philosophique mais cette protection ne s'étend pas à tous les actes motivés ou inspirés par celle-ci (No 7050/75, Arrowsmith c/ Royaume Uni, rapport Comm. 12.10.78, D.R. 19 p. 5 ; No 10678/83, déc. 5.7.84, D.R. 39 p. 267). En l'espèce, le requérant refuse de participer aux cours de protection civile au motif que ces cours cultivent chez les participants l'idée qu'une guerre serait inéluctable et la question pourrait, dès lors, se poser de savoir dans quelle mesure ce refus peut passer pour un acte constituant l'expression directe des convictions religieuses ou philosophiques du requérant. La Commission estime toutefois que cette question peut demeurer indécise car la requête doit être rejetée, en tout état de cause, pour les motifs suivants. La Commission a déjà estimé que la disposition invoquée par le requérant, lue à la lumière de l'article 4 par. 3 b) (art. 4-3-b) de la Convention, laisse aux Etats Contractants la faculté de ne pas reconnaître un droit à l'objection de conscience ni un droit d'être exempté d'un service civil de remplacement (No 7705/76, déc. 5.7.77, D.R. 9 p. 196 ; No 10640/83, déc. 9.5.84, D.R. 38 p. 219). Dans la mesure où le système conventionnel ne garantit pas le droit d'être exempté de l'obligation d'effectuer un service militaire pour des raisons de conscience, la Commission estime qu'on ne saurait interpréter l'article 9 (art. 9) de la Convention comme garantissant le droit d'être exempté de cours de protection civile même lorsque, comme le soutient le requérant, les cours en question font partie du système de défense nationale. Il s'ensuit qu'aucune violation de l'article 9 (art. 9) de la Convention ne peut être décelée en l'espèce. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire de la Le Président en exercice Deuxième Chambre de la de la Deuxième Chambre de la Commission Commission (K. ROGGE) (G. JÖRUNDSSON)