SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 28443/95 présentée par Joséphine MONTION contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1996 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président H. DANELIUS C.L. ROZAKIS E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS Mme G.H. THUNE M. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES J.-C. GEUS G.B. REFFI M.A. NOWICKI B. CONFORTI I. BÉKÉS J. MUCHA D. SVÁBY G. RESS A. PERENIC C. BÎRSAN P. LORENZEN K. HERNDL E. BIELIUNAS M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 30 juin 1995 par Joséphine MONTION contre la France et enregistrée le 4 septembre 1995 sous le N° de dossier 28443/95 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 18 mars 1996 et les observations en réponse présentées par la requérante le 2 avril 1996 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante : EN FAIT La requérante, de nationalité française, est née en 1940 et réside à Salleboeuf. Cette requête est la seconde de la requérante, qui maintint la première requête de son époux après son décès en février 1994 (cf requête N° 23411/94 concernant la durée de la procédure ci- après décrite). Devant la Commission, elle est représentée par M. Gérard Charollois, administrateur de la société nationale de protection de la nature. A. Circonstances particulières de l'affaire Les faits, tels qu'ils ont été présentés par les parties, peuvent être résumés comme suit. Les associations communales de chasse agréées (A.C.C.A.) ont été créées en vertu de la loi du 10 juillet 1964 et du décret du 6 octobre 1966 pris en son application. Selon ces textes, les propriétaires ruraux de la commune sont obligés "d'apporter" leur terrain à cette association, de sorte que tous les chasseurs de la commune peuvent chasser sur cet ensemble de terres sans que les propriétaires puissent s'y opposer. De plus, la loi du 10 juillet 1964 et son décret d'application du 6 octobre 1966 soumettent les propriétaires ruraux à un régime différencié selon la superficie de leur terrain. En effet, au-dessus d'un certain seuil à fixer dans chaque département, les propriétaires peuvent s'opposer à leur adhésion forcée à l'association communale de chasse agréée en demandant que leur terrain soit déclaré "réserve- refuge" ce qui exclut la possibilité pour les autres chasseurs de la commune d'y exercer leur sport. Les petits propriétaires en revanche (moins de vingt hectares) ne disposent pas de cette faculté. C'est dans ce contexte que la requérante et son époux défunt, propriétaires d'un terrain de 16 hectares en Gironde se trouvèrent, en vertu de la loi relative à l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse membres de plein droit d'une association communale de chasse agréée (A.C.C.A.) et leur terrain, de superficie inférieure à 20 hectares, inclus, par l'effet de la loi, dans le territoire de chasse de l'association. En juin 1987, l'époux défunt de la requérante demanda au président de l'association communale de chasse de radier son nom de la liste des membres de plein droit de l'association et au préfet de la Gironde de radier son terrain de la liste des terrains constituant le territoire de chasse de l'association. L'époux défunt de la requérante était en effet membre d'une association de protection de la nature, la société nationale de protection de la nature (SNPN), à laquelle il avait apporté le droit de chasse sur son terrain afin d'y constituer une réserve naturelle dans laquelle toute chasse-loisir serait interdite. A la suite des refus opposés par le président de l'association de chasse le 10 juillet 1987 et par le préfet de la Gironde le 25 juin 1987 puis le 30 juillet 1987, l'époux défunt de la requérante et la SNPN saisirent le 13 août 1987 le tribunal administratif de Bordeaux d'un recours en annulation de ces deux décisions. Ils invoquaient à l'appui de leur requête l'incompatibilité de la loi "Verdeille" avec les articles 9, 11 et 14 de la Convention, ainsi que l'article 1 du Protocole N° 1. Par jugement du 16 novembre 1989, le tribunal administratif de Bordeaux se déclara incompétent pour connaître des griefs invoqués par l'époux défunt de la requérante contre le président de l'association, personne de droit privé, mais s'estima compétent pour statuer sur les autres moyens soulevés et rejeta le recours au fond. Le tribunal considéra notamment que : "Si la Convention européenne protège le droit de propriété, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que des atteintes y soient portées dans l'intérêt général ; que l'organisation de la chasse, en raison même de la nature de cette activité, du nombre des chasseurs et du phénomène social qu'elle constitue, présente un intérêt général de nature à justifier une atteinte au droit de propriété ; que le propriétaire dont les terrains sont situés dans le territoire de l'A.C.C.A. trouve la contrepartie de la perte du droit d'usage privatif dans l'exercice d'un droit d'usage sur les terrains des autres propriétaires, sans compter les autres prestations assurées par l'association dont il devient membre de droit ; que M. MONTION n'est pas, en outre, fondé à se prévaloir de son propre renoncement à ces contreparties pour prétendre qu'il ne bénéficie pas d'une juste indemnisation de la perte de son droit d'usage (...)". Le tribunal rejeta également le moyen tiré de l'article 9 de la Convention, au motif qu'il n'existait pas de droit de "non-chasse" ainsi que celui tiré de l'article 11 de la Convention en raison de ce que la liberté d'association n'était pas méconnue en l'espèce. L'époux défunt de la requérante et la SNPN interjetèrent appel de ce jugement devant le Conseil d'Etat respectivement les 3 et 11 janvier 1990. Par arrêt du 10 mai 1995, le Conseil d'Etat rejeta le pourvoi en s'exprimant ainsi : Considérant que l'article 9 de la Convention dispose que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience (...) ce droit implique la liberté de changer de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa conviction individuellement ou collectivement en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites (...) ; Considérant qu'aucune disposition de la loi du 10 juillet 1964 ne fait obligation au non-chasseur de pratiquer ou d'approuver la chasse ; que dès lors, et en tout état de cause le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que les dispositions de la loi du 10 juillet 1964 n'étaient pas contraires aux dispositions de l'article 9 de la Convention (...); Considérant que la loi du 10 juillet 1964 a institué des associations communales de chasse agréées par le préfet dans le but d'assurer une meilleure organisation technique de la chasse en France ; qu'en vue de mettre ces organismes à même d'exécuter la mission de service public qui leur est confiée, diverses prérogatives de puissance publique leur ont été conférées ; que dès lors, l'article 11 de la Convention ne saurait être utilement invoqué pour contester la légalité de la décision attaquée ; Considérant que la circonstance que des terres appartenant au requérant aient été incluses dans le périmètre d'une association communale de chasse agréée et que les titulaires du droit de chasse peuvent venir y pratiquer cette activité n'a pas privé le requérant de sa propriété, mais a seulement apporté des limitations au droit d'usage de celle-ci conformément aux règles générales édictées par la loi, lesquelles ne sont pas disproportionnées par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi; que le moyen (tiré de l'article 1er du Protocole N° 1 à la Convention) ne saurait dès lors être accueilli ; Considérant que la définition par la loi du 10 juillet 1964 de règles différentes selon que les propriétés concernées par ladite loi sont d'une superficie inférieure ou supérieure à 20 hectares correspond à une différence de situation eu égard aux objectifs poursuivis par cette loi et en particulier à la gestion du patrimoine cynégétique; que ces règles n'instituent aucune des discriminations de nature de celles qui sont visées tant par l'article 14 de la Convention que par l'article 26 du Pacte international relatif au droits civils et politiques." B. Eléments de droit interne Loi n° 64-696 du 10 juillet 1964 relative à l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse agréées Code rural TITRE II / CHASSE Chapitre II / territoire de chasse Article L 222-1 (ex art 365) "Nul n'a la faculté de chasser sur la propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit." Article L 222-2 "Les associations communales ou intercommunales de chasse agréées ont pour but de favoriser sur leur territoire le développement du gibier et la destruction des animaux nuisibles, la répression du braconnage, l'éducation cynégétique de leurs membres dans le respect des propriétés et des récoltes et, en général, d'assurer une meilleure organisation technique de la chasse pour permettre aux chasseurs un meilleur exercice de ce sport." Article L 222-3 "Les associations sont constituées conformément à la loi du 1er juillet 1901. L'agrément leur est donné par les représentants de l'Etat dans les départements." Article L 222-8 "Dans les communes où doit être créée une association communale de chasse, une enquête, à la diligence du représentant de l'Etat déterminera les terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse par apport des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse. A la demande de l'association communale, ces apports sont réputés réalisés de plein droit pour une période renouvelable de six ans si, dans le délai de trois mois qui suit l'annonce de la constitution de l'association communale par affichage en mairie et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à tout propriétaire ou détenteur de droits de chasse remplissant les conditions prévues au troisième alinéa, les propriétaires ou détenteurs de droits de chasse n'ont pas fait connaître à la mairie de la commune, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, leur opposition justifiée à l'apport de leur territoire de chasse." Article L 222-10 "L'association communale est constituée sur les terrains autre que ceux : Situés dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation ; Entourés d'une clôture telle que définie par l'article L 224-3 du Code rural ; Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L 222-13 ; Faisant partie du domaine public de l'Etat, des départements et des communes, des forêts domaniales ou des emprises de la Société nationale des chemins de fer français." Article L 222-13 "Pour être recevable, l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droit de chasse mentionnée à l'article L 222-9 doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimale de vingt hectares." Article L 222-16 "L'apport donne lieu à indemnité, à charge de l'association, si le propriétaire subit une perte de recettes provenant de la privation des revenus antérieurs." Article L 222-21 "Les associations communales et intercommunales de chasse agréées sont tenues de constituer une ou plusieurs réserves de chasses communales ou intercommunales. La superficie minimale des réserves sera d'un dixième de la superficie totale du territoire de l'association." Chapitre IV / Exercice de la chasse Article L 224-2 et 224-3 "Nul ne peut chasser en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative. Toutefois, le propriétaire ou possesseur peut, en tout temps, chasser ou faire chasser le gibier à poil dans ses possessions attenant à une habitation et entourées d'une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage de ce gibier et celui de l'homme." Décret n° 66-747 du 6 octobre 1966 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n° 64-696 du 10 juillet 1964 relative à l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse agréées Code rural Article R 222-1 "Le préfet assure la tutelle des associations communales et intercommunales de chasse agréées. Il peut déléguer au directeur départemental de l'agriculture et de la forêt une partie de ses attributions." Article R 222-2 "Toutes modifications aux statuts, au règlement intérieur et au règlement de chasse doivent être soumises à l'approbation du préfet." Article R 222-3 "En cas de violation de ses statuts ou de son règlement de chasse, de déficit grave et continu, d'atteinte aux propriétés, aux récoltes, aux libertés publiques et, d'une manière générale, de violation des dispositions de la présente section, par une association communale, le préfet peut, par arrêté, décider de mesures provisoires telles que suspension de l'exercice de la chasse sur tout ou partie du territoire, dissolution et remplacement du conseil d'administration par un comité de gestion nommé par arrêté pour un délai maximum d'un an pendant lequel de nouvelles élections devront avoir lieu." Article R 222-62 "Les associations communales de chasse agréées : Sont régies par des statuts, par un règlement intérieur et par un règlement de chasse... Sont pourvues d'un conseil d'administration de six membres au moins et de neuf membres au plus, leur nombre pouvant être réduit à trois par autorisation du préfet." Article R 222-63 "Les statuts de l'association communale doivent comprendre, outre les dispositions prévues par les articles L 222-19 et L 222-20, les dispositions ci-après : L'énoncé de ses objets ... L'indication de son titre, de son siège social et de son affiliation à la fédération départementale des chasseurs L'indication de la durée illimitée de l'association Le nombre minimum d'adhérents nécessaires pour la constitution de l'association (...)." Article R 222-64 "Le règlement intérieur de l'association détermine les droits et obligations des sociétaires, l'organisation interne de l'association. Le règlement de chasse doit assurer en outre par l'éducation cynégétique des membres de l'association un exercice rationnel du droit de chasse dans le respect des propriétés et des récoltes (...)." Jurisprudence Tribunal d'instance de Valence, 28 juin 1989 (D. 1990, p. 93) "(...) il est peu probable que la destruction des nuisibles soit une des mesures nécessaires au maintien de la sécurité nationale et que la répression du braconnage concoure sérieusement à la prévention du crime. Quant à la protection de la santé, la pratique d'un sport peut certes y contribuer mais il n'est pas besoin pour autant de restreindre la liberté de ceux qui refusent de s'y adonner." Cour d'appel de Poitiers, ch. corr., 10 janvier 1992 (J.C.P. 1992, IV. 158) "les dispositions de la loi Verdeille ont été prises pour l'essentiel dans l'intérêt des pratiquants d'une activité qui, même respectable et ancienne, n'est le fait que d'une minorité de citoyens et ne peut être regardée comme autre chose qu'un sport ou un loisir." Proposition de loi déposée le 7 avril 1989 "tendant à autoriser les propriétaires à se prévaloir d'un droit de non-chasse" "Tout propriétaire a droit, sur simple déclaration adressée au commissaire de la République, et pour la durée qui lui convient, de faire classer "réserve" le terrain, de quelque superficie qu'il soit, lui appartenant, qu'il soit ou non enclavé dans le domaine d'autrui, s'interdisant en conséquence à lui-même et interdisant à quiconque d'y chasser..." (doc. AN, proposition de loi n° 64, 1988-1989). GRIEFS 1. La requérante se plaint d'une atteinte à son droit au respect de ses biens, tel que reconnu à l'article 1 du Protocole N° 1 à la Convention en raison de l'obligation qui lui est faite d'apporter son terrain à l'A.C.C.A., sans son consentement et sans contrepartie. 2. La requérante invoque l'article 11 de la Convention et se plaint d'être, contre sa volonté, membre de droit d'une association communale de chasse agréée, association qu'en vertu de la loi elle n'a pas la possibilité de quitter. 3. La requérante allègue une discrimination dans l'exercice et la jouissance du droit au respect de son bien et de sa liberté d'association, discrimination fondée sur la fortune puisque les propriétaires d'un terrain d'une superficie supérieure à 20 hectares peuvent faire opposition à l'intégration de leur propriété dans une A.C.C.A. Elle invoque l'article 14 de la Convention. 4. La requérante se plaint de la violation de sa liberté de pensée et de conscience puisqu'elle est obligée de supporter que l'on chasse sur son terrain, alors qu'elle est opposée à la chasse. Elle soutient qu'elle fait partie du courant majoritaire en Europe qui pense que la nature n'est pas un stand de tir, que les oiseaux et les mammifères ne sont pas de la chair à fusil et que le fait de tuer par jeu est un révélateur de non-civilisation. Elle invoque l'article 9 de la Convention. PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 30 juin 1995 et enregistrée le 4 septembre 1995. Le 27 novembre 1995, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Le Gouvernement a présenté ses observations le 18 mars 1996 et la requérante y a répondu le 2 avril 1996. EN DROIT I. Sur la qualité de victime de la requérante Le Gouvernement soutient que la requérante ne peut se prétendre victime in abstracto de la loi à son égard. En outre, il considère que la requête porte sur la protection de la faune sauvage, qui ne relève pas des droits protégés par la Convention. La requérante conteste l'exception soulevée par le Gouvernement et s'estime victime directe des atteintes alléguées. La Commission considère que la requérante est affectée personnellement par l'application de la loi de 1964 puisqu'elle est propriétaire d'un terrain soumis à l'application de la loi en question. En outre, la Commission observe que les juridictions internes n'ont pas dénié à la requérante un intérêt ou une qualité pour agir. II. Sur le bien-fondé de la requête 1. La requérante se plaint d'une atteinte à son droit au respect de ses biens, tel que reconnu à l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) à la Convention en raison de l'obligation qui lui est faite d'apporter son terrain à l'A.C.C.A., sans son consentement et sans contrepartie. L'article 1er du Protocole N° 1 (P1-1) à la Convention dispose : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes". Le Gouvernement considère que la requérante n'a pas été privée de son droit de propriété et que les atteintes qu'elle invoque ne peuvent donc relever que du second alinéa de l'article 1er (art. 1), à savoir le contrôle de l'usage des biens. Le Gouvernement souligne avant tout que la loi du 10 juillet 1964 laisse à tout propriétaire la faculté de se clôturer et d'interdire le passage des chasseurs. L'article L 222-10 du Code rural exclut en effet du territoire de l'A.C.C.A. les terrains "entourés d'une clôture telle que définie par l'article L 224-3". En l'espèce, le Gouvernement estime que la requérante a la faculté d'empêcher les chasseurs de pénétrer sur sa propriété puisqu'elle a toujours la possibilité de se clôturer. Quant au passage des chasseurs sur des parcelles situées à plus de 150 mètres des habitations sans aucun dégât allégué pour leur propriété, il ne constitue pas, selon le Gouvernement, une atteinte au droit de propriété, même s'il s'effectue sans autorisation expresse des propriétaires. En conclusion, le Gouvernement allègue que la requérante n'a pas perdu la possibilité d'empêcher les chasseurs de pénétrer sur sa propriété. Le Gouvernement relève que le droit à la protection du patrimoine mondial naturel n'est pas garanti par Convention et ne saurait se déduire du droit au respect de la propriété. En effet, le droit de propriété ne permet pas de revendiquer un quelconque droit sur le gibier. Le droit de propriété ne confère même pas au propriétaire un droit à gérer individuellement, et selon ses propres règles, un "patrimoine naturel" constitué d'animaux sauvages. Le Gouvernement en conclut que le droit dont se réclame la requérante n'est pas de la substance du droit de propriété et que l'article 1er du Protocole N° 1 (P1-1) est inapplicable. A titre subsidiaire, il estime que la loi Verdeille poursuit un but d'intérêt général. Le but de l'organisation cynégétique mise en place dépasse le seul intérêt individuel des chasseurs et l'organisation de la chasse pour "servir tous les chasseurs de France même les plus modestes" (rapport Verdeille, Sénat n° 166) et répond bien à un but d'intérêt général. En outre, la poursuite de cet intérêt général est parfaitement raisonnable dès lors qu'elle s'accompagne du souci de protéger les espèces de gibier ainsi que les équilibres naturels. En outre, l'organisation de la chasse ne va pas sans la protection de l'ensemble de la faune sauvage puisque sans cette dernière il n'y a pas de chasse. Le Gouvernement considère que la législation et la réglementation ne cessent d'encadrer la chasse dans des conditions de plus en plus strictes, dans le seul souci de préserver les équilibres agro-sylvocynégétiques. Et ce sont les A.C.C.A. qui s'occupent principalement de faire respecter cette réglementation. Le Gouvernement ajoute que le législateur a tenu à ce que les A.C.C.A. constituent des réserves de chasse dont la superficie minimale doit atteindre 10% du territoire total de l'association. Le propriétaire non-chasseur peut demander à l'A.C.C.A. que son territoire soit placé en réserve de chasse afin de le voir soustrait à l'action des chasseurs. Le Gouvernement en conclut qu'il serait réducteur d'évaluer seulement le caractère d'intérêt général à l'amélioration de l'exercice du sport cynégétique pour le seul intérêt des chasseurs. Le développement de la faune sauvage mais aussi le respect des propriétés et des récoltes tirent bénéfice d'une bonne organisation cynégétique. La requérante soutient que la présence de chasseurs, durant six mois de l'année, représente une grave entrave à la libre jouissance de ses biens qui ne peut être justifiée par l'intérêt général car la chasse n'est qu'un sport qui ne peut être considéré comme une activité de service public. L'absence d'intérêt général se prouve par la circonstance que la loi Verdeille ne régit la chasse en France, que sur un quart du territoire national, les trois quarts du pays continuant à bénéficier du régime de liberté issu de la loi du 3 mai 1844 qui énonce que "nul n'a le droit de chasser sur le fonds d'autrui sans son consentement préalable" (article L 222 du Code rural). La requérante soutient que sur les 36.600 communes que compte le pays, 9.200 environ vivent sous le régime des A.C.C.A. A titre d'illustration, elle précise que la région d'Acquitaine s'organise en plusieurs départements : si la Gironde, connue pour son braconnage intensif, possède beaucoup d' A.C.C.A., les départements voisins de Charente et de Dordogne n'en compte qu'un tout petit nombre. La requérante considère que ce sont des critères purement politiques et d'influences locales du lobby des chasseurs qui ont déterminé l'entrée en vigueur de la loi Verdeille. La requérante affirme que seule une déclaration d'utilité publique peut priver les personnes de leurs droits sur leurs biens en dehors d'une qualité de membre. Le droit allemand de la chasse, droit en vigueur en Alsace, prévoit que les droits de chasse ne sont pas attribués à une association de chasseurs présidée par un chasseur au profit des seuls chasseurs. En effet, la loi de 1881 régissant le droit germanique prévoit que les droits de chasse sont attribués à la commune qui en dispose seule par voie d'adjudication. Ainsi, une association de protection de la nature peut se porter adjudicataire et la collectivité reçoit le paiement du prix d'adjudication, c'est-à-dire un dédommagement de la part de l'adjudicataire du droit de chasse. Dans le système de la loi Verdeille, l'espace rural est confisqué au profit de la seule catégorie des chasseurs sans aucune compensation au profit de la collectivité publique. La requérante soutient encore que la clôture (article L 222-10) nécessaire pour échapper à l'emprise forcée des chasseurs représente une dépense considérable que la loi Verdeille ne met pas à la charge des bénéficiaires du système. La Commission a procédé à un examen préliminaire des thèses développées par les parties. Elle estime que le grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond. Dès lors, le grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Elle constate en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. 2. La requérante invoque l'article 11 (art. 11) de la Convention et se plaint de la violation de sa liberté d'association résultant du fait que selon les dispositions précitées, elle est contre sa volonté membre de droit d'une association communale de chasse agréée, association qu'en vertu de la loi elle n'a pas la possibilité de quitter. L'article 11 (art. 11) de la Convention dispose : "1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. 2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat." Le Gouvernement soutient en premier lieu que les A.C.C.A. ne constituent pas des associations au sens de l'article 11 (art. 11) de la Convention. En effet, la nature intrinsèquement volontaire du droit à la liberté d'association a pour effet de soustraire à l'empire de l'article 11 (art. 11) les associations de droit public créées par un acte unilatéral des autorités publiques. Le Gouvernement se réfère à la jurisprudence des organes de la Convention concernant l'affiliation obligatoire à un ordre professionnel (Cour eur. D.H., arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 23 juin 1981, série A n° 43) ainsi qu'à la jurisprudence de la Cour selon laquelle les associations de droit public échappent à l'empire de l'article 11 (art. 11) (Cour eur. D.H., arrêt Sigurjonsson du 30 juin 1993, série A n° 264). Tel est le cas selon le Gouvernement des associations investies d'une mission de service public qui ne sont libres ni de leur objectif ni de leur organisation ni de leur méthode. Le Gouvernement rappelle que la création d'une A.C.C.A. est soumise à l'agrément du préfet (article L 222-3 du Code rural) qui exerce sur elle une tutelle (article R 222-1). Elles ne sont pas libres non plus de leur statut et de leur règlement intérieur dont l'essentiel est imposé par les articles R 222-62 et suivants du Code rural. Le Gouvernement estime que les A.C.C.A. sont des structures para- administratives dont les organes de fonctionnement interne s'apparentent à la forme associative, sans que soit toutefois laissée la moindre place à la liberté d'association dans le processus de création et de formation de ces organismes. Il ne s'agit pas d'une anomalie et l'on retrouve en France de nombreux exemples d'associations relais de l'action administrative. Le Gouvernement énonce que la conséquence de l'appartenance des A.C.C.A. aux associations de la loi de 1901 est que les principes du droit des associations leur sont applicables. Ainsi en est-il de la liberté associative selon laquelle les associés peuvent librement décider de l'organisation et du fonctionnement de leur association. Rien n'empêche, selon le Gouvernement, de participer concrètement à la vie de l'association puisque le propriétaire non-chasseur dispose comme tous les membres d'une voix lors des votes en Assemblée générale. Toutefois, le Gouvernement insiste sur la tutelle préfectorale qui donne au préfet un pouvoir de contrôle et de sanction de l'A.C.C.A. A ce pouvoir s'ajoute le pouvoir d'approbation préalable de toutes modifications de textes ainsi qu'un pouvoir disciplinaire. Toutefois, si la Commission devait considérer que les A.C.C.A. n'échappent pas à l'emprise de l'article 11 (art. 11) de la Convention, le Gouvernement considère que l'adhésion obligatoire est justifiée. L'atteinte à la liberté négative d'association est motivée par la protection des droits et libertés d'autrui. La loi a pour but l'exercice démocratique de la chasse et la Commission a déjà affirmé, dans l'affaire Banér c/ Suède (N° 11763/89, déc. 9.3.89, D.R. 60 p. 156), que la justification avancée par la législation suédoise pour porter atteinte au droit de pêche exclusif des propriétaires de lacs, à savoir la démocratisation du droit de pêche, est avalisée au nom d'une sorte de présomption irréfragable profitant aux institutions démocratiques dans le cadre de la régulation des droits des propriétaires : celles-ci sont réputées les mieux placées pour opérer une juste balance entre les intérêts privés et publics. Le Gouvernement soutient en outre que la loi laisse la possibilité aux propriétaires opposés à la chasse de se soustraire à l'obligation d'adhésion en faisant application de l'article L 222-10 du Code rural relatif à la clôture. Le Gouvernement considère que la requérante ne peut sérieusement se prévaloir d'une mesure de coercition à son égard. Elle ne le peut d'autant moins, qu'elle n'est pas obligée d'être membre actif de l'A.C.C.A. mais qu'elle est seulement membre de droit à titre gratuit. L'article L 222-19 du Code est à cet égard très clair. Le Gouvernement en conclut que la qualité de membre de droit gratuitement accordée au propriétaire non-chasseur est un droit qu'il peut exercer et non une obligation. La situation des non-chasseurs est l'inverse de celle qui a lieu à la décision de la Cour dans l'affaire Sigurjonsson précitée puisque l'adhésion de droit à l'A.C.C.A. est la conséquence de l'apport du terrain et non son préalable obligatoire alors que l'adhésion à l'association dans cette affaire était le préalable obligatoire pour pouvoir exercer une profession. Si l'apport du terrain est contraignant, il reste indépendant de la vie associative, aucune contrainte, aucune coercition ne sont exercées sur les non-chasseurs pour les obliger à participer à l'A.C.C.A. Le Gouvernement ne conteste pas que l'adhésion à une association de chasse heurte les convictions personnelles de la requérante mais considère que cette dernière conserve toute latitude d'action pour constituer des associations ayant pour objet la défense de leurs intérêts. La requérante réaffirme qu'elle adhère à des associations de protection de la nature, en lutte ouverte avec le lobby de la chasse française, et se trouve tenue d'adhérer à des associations de chasseurs. Une adhésion forcée, fût-elle gratuite, n'en constitue pas moins une contrainte morale et politique intolérable. La requérante affirme que les associations sont définies comme des groupements privés et sont des associations de promotion du sport. La société nationale de protection de la nature à laquelle elle adhère est aussi agréée par les pouvoirs publics et est de surcroît reconnue d'utilité publique par décret, ce qui ne change pas sa nature d'association de droit privé, nonobstant le contrôle budgétaire que l'Etat est en droit d'exercer sur une personne morale bénéficiant d'un agrément. La requérante insiste sur le fait qu'elle n'a pas fait choix d'une profession impliquant le respect d'une déontologie appliquée par les ordres professionnels qui participent directement à un service public fondamental et d'intérêt général. Il n'est pas sérieux, selon la requérante, de soutenir que les A.C.C.A. remplissent une quelconque mission d'intérêt général car ce sont des associations partisanes, militantes, souvent extrémistes, qui organisent souvent le braconnage en violation des dispositions communautaires. La Commission a procédé à un examen préliminaire des thèses développées par les parties. Elle estime que le grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond. Dès lors, le grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Elle constate en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. 3. La requérante allègue une discrimination dans l'exercice et la jouissance du droit au respect de son bien et de sa liberté d'association, discrimination fondée sur la fortune puisque les propriétaires d'un terrain d'une superficie supérieure à 20 hectares peuvent faire opposition à l'intégration de leur propriété dans une A.C.C.A. Elle invoque l'article 14 (art. 14) de la Convention. L'article 14 (art. 14) de la Convention dispose : "La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation." Selon le Gouvernement, au regard du droit au respect des biens garantis par l'article 1er du Protocole N° 1 (P1-1), il ne fait pas de doute que les propriétaires de parcelles d'une surface inférieure au minimum fixé se trouvent dans une situation analogue à celle de ceux qui sont propriétaires de parcelles d'une surface supérieure à ce minimum. Mais la distinction entre eux est objective et s'appuie sur un motif légitime au regard du but d'intérêt public. Les distinctions introduites par le législateur ont toutes un motif cynégétique, la dimension des parcelles prises en considération pour l'inclusion dans le périmètre des associations étant choisie en fonction des exigences d'une exploitation rationnelle de la chasse. D'après le Gouvernement, le grief d'une prétendue discrimination fondée sur la fortune au motif que les plus gros propriétaires peuvent s'affranchir des contraintes de la loi de 1964 n'est pas sérieux. L'assertion est au demeurant fausse car certains terrains de moins de 20 hectares peuvent avoir une valeur économique et patrimoniale bien supérieure à des landes ou des friches de plus de 20 hectares. S'agissant du critère même de la superficie de 20 hectares, s'il procède d'une certaine approximation, il n'est pas pour autant arbitraire. De toute façon, le Gouvernement rappelle que pour la définition et la mise en oeuvre de tels critères, la jurisprudence des organes de la Convention laisse aux Etats une marge d'appréciation importante. Enfin, le Gouvernement estime que la règle de proportionnalité des moyens employés au but visé est respectée car le regroupement de parcelles trop petites est manifestement le seul moyen approprié pour obtenir une gestion rationnelle des territoires de chasse. Le Gouvernement ajoute que l'on ne saurait tirer argument de ce que le régime des A.C.C.A. ne s'appliquerait pas à toute la France pour conclure à une discrimination. La loi du 10 juillet 1964 est d'application générale sur l'ensemble du territoire français. Seule la constitution d'A.C.C.A. est subordonnée à une décision de l'autorité publique et cette situation n'est pas discriminatoire en elle-même. En effet, la création d'une A.C.C.A. est soumise à un contrôle juridictionnel qui impose qu'une telle décision soit dictée par des motifs tirés de l'exercice rationnel de la chasse. La loi de 1964 ne peut donc être à l'origine de décisions manifestement dépourvues de base raisonnable. La requérante réaffirme que la loi Verdeille est un texte d'injustice sociale privilégiant le grand propriétaire libre d'adhérer à l'A.C.C.A. et de faire apport de son fonds à cette association ou de ne pas y adhérer et de se réserver de manière privative son terrain. La Commission a procédé à un examen préliminaire des thèses développées par les parties. Elle estime que le grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond. Dès lors, le grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Elle constate en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. 4. La requérante se plaint de la violation de sa liberté de pensée et de conscience puisqu'elle est obligée de supporter que l'on chasse sur son terrain, alors qu'elle est opposée à la chasse. Elle soutient qu'elle fait partie du courant majoritaire en Europe qui pense que la nature n'est pas un stand de tir, que les oiseaux et les mammifères ne sont pas de la chair à fusil et que le fait de tuer par jeu est un révélateur de non-civilisation. Elle invoque l'article 9 (art. 9) de la Convention qui dispose que : "1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." Le Gouvernement ne conteste pas que des scènes de chasse soient pour certains adeptes de la non-chasse un spectacle insupportable qui choque au plus profond leur conception écologique. Mais ce n'est pas contre les dispositions de la loi de 1964 que doit être dirigé le recours mais contre le principe même de la liberté de chasser dont on ne peut se plaindre efficacement sur le fondement de la Convention. En effet, l'exercice d'une liberté accordée à tous, ainsi que l'application d'une législation qui, par sa généralité, a des effets neutres au regard de tous, ne saurait constituer une violation de la liberté de conscience. En France, jamais les partisans de la non-chasse n'ont été privés de l'occasion de développer une propagande destinée à rallier leur thèse, par les voies démocratiques, d'autres partisans. D'autre part, le Gouvernement ajoute que la requérante ne saurait invoquer une quelconque obligation contraire à sa conviction puisque l'article L 222-10 du Code rural exclut de plein droit du champ d'action de l'association de chasse agréée les terrains entourés d'une clôture telle que définie par l'article L 224-3 du Code rural, c'est- à-dire une "clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins". Or en application de l'article 647 du Code civil, le droit de se clore est une prérogative essentielle du propriétaire qui dérive de l'exclusivisme du droit de propriété proclamé par l'article 544 du même Code. La requérante estime que le législateur ne peut pas, sans violer l'article 9 (art. 9) de la Convention, imposer aux tenants d'une éthique, l'éthique et la pratique des autres antagonistes. Mettre un terrain privé en refuge constitue une manifestation élémentaire de conviction morale en ce domaine. Ainsi, nul ne saurait soutenir qu'en protégeant la nature sur son fonds, la requérante attenterait à l'intérêt général, mettrait en cause la santé publique ou les droits et libertés fondamentales d'autrui. La Commission a procédé à un examen préliminaire des thèses développées par les parties. Elle estime que le grief pose de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond. Dès lors, le grief ne saurait être déclaré manifestement mal fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Elle constate en outre qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Par ces motifs, la Commission, à la majorité, DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés. Le Secrétaire de la Le Président de la Commission Commission (H.C. KRÜGER) (S. TRECHSEL)