(adoptée par le Comité des Ministres le 26 octobre
2005,
lors de la 940e réunion des Délégués des Ministres)
Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 46, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée «la Convention»),
Vu les arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme dans les affaires Serif et Agga no 2, rendus respectivement le 14 décembre 1999 et le 17 octobre 2002, et transmis une fois définitifs au Comité des Ministres en vertu des articles 44 et 46 de la Convention ;
Rappelant qu'à l'origine de ces affaires se trouvent trois requêtes (nos 38178/97 dans l'affaire Serif, 50776/99 et 52912/99 dans l'affaire Agga no 2) dirigée contre la Grèce, introduites devant la Commission européenne des Droits de l'Homme ou la Cour européenne respectivement le 29 septembre 1997, le 31 août 1999 et le 23 novembre 1999, soit en vertu de l'ancien article 25 de la Convention soit en vertu de l'article 34 de la Convention, par M. Ibraim Serif et M. Mehmet Agga, ressortissants grecs, et que la Cour a déclaré recevables les griefs concernant leurs condamnations pénales pour avoir usurpé les fonctions et porté la tenue officielle religieuse de mufti ;
Considérant que dans ses arrêts, la Cour, à l'unanimité :
- a dit qu'il y avait eu violation de l'article 9 de la Convention dans les deux affaires en raison des condamnations pénales imposées aux requérants, tous deux élus en tant que muftis par une partie de la communauté grecque musulmane, ces condamnations les ayant privés du droit de manifester leur religion, de la pratiquer et de l'enseigner en communion avec les autres et en public ;
- a dit qu'aucune question distincte ne se posait en terme de liberté d'expression, sous l'angle de l'article 10 de la Convention ;
- a dit que le gouvernement de l'Etat défendeur devait verser à M Serif, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif, 2 700 000 drachmes pour préjudice moral et matériel et que ce montant serait à majorer d'un intérêt simple de 6% l'an à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement et a rejeté ses prétentions en matière de satisfaction équitable pour le surplus ;
- a dit que, dans l'affaire Agga, le constat de la violation constituait une satisfaction équitable suffisante aux fins de l'article 41 ;
Vu les Règles adoptées par le Comité des Ministres relatives à l'application de l'article 46, paragraphe 2, de la Convention ;
Ayant invité le gouvernement de l'Etat défendeur à l'informer des mesures prises à la suite des arrêts de la Cour européenne eu égard à l'obligation qu'a la Grèce de s'y conformer selon l'article 46, paragraphe 1, de la Convention ;
Considérant que lors de l'examen de ces affaires par le Comité des Ministres, le gouvernement de l'Etat défendeur a donné à celui-ci des informations sur les mesures prises permettant d'octroyer aux requérants une réparation intégrale pour les violations constatées (restitutio in integrum) et d'éviter de nouvelles violations semblables à celles constatées dans ces arrêts ; ces informations sont résumées dans l'annexe à la présente résolution ;
S'étant assuré que le 15 juin 2000, soit un jour après l'expiration du délai de paiement, le gouvernement de l'Etat défendeur avait versé à M. Serif la somme prévue dans l'arrêt du 14 décembre 1999 et ayant noté que la partie requérante a indiqué renoncer au paiement des intérêts de retard vu leur modicité,
Déclare, après avoir examiné les informations fournies par le Gouvernement de la Grèce, qu'il a rempli ses fonctions en vertu de l'article 46, paragraphe 2, de la Convention dans la présente affaire.
Annexe à la Résolution ResDH(2005)88
Informations fournies par le Gouvernement de la Grèce
lors de l'examen des affaires Serif et Agga no 2
par le Comité des Ministres
I. Mesures d'ordre individuel
En ce qui concerne l'affaire Serif, le 8 février 2002, le requérant a introduit une demande de réouverture de la procédure pénale en vertu de l'article 525, paragraphe 1 (5), du code de procédure pénale tel qu'amendé par la loi 2865/2000 (article 11). La demande a été acceptée le 24 avril 2002 par la cour d'appel de Thessalonique statuant en chambre du conseil (décision no 651/2002). En conséquence, la condamnation pénale du requérant de 1996 par la cour pénale de Thessalonique composée de trois membres, condamnation qui était à la base de la violation dans la présente affaire, a été annulée et tous ses effets ont été automatiquement effacés.
En ce qui concerne l'affaire Agga, le requérant avait lui aussi droit, en vertu du code grec de procédure pénale, d'engager une procédure en vue de la réouverture des cinq premières procédures pénales qui avaient abouti à sa condamnation. S'agissant des trois autres condamnations prononcées en 1997 et 1998, elles ont été annulées le 28 mars 2001 par le tribunal pénal de Lamia composé de trois membres, qui a expressément octroyé un effet direct à l'arrêt de la Cour européenne dans l'affaire Serif. La Cour a notamment considéré qu'en adressant des messages religieux à un groupe de personnes qui l'avaient volontairement suivi en tant que chef religieux, le requérant n'avait pas usurpé les fonctions de ministre d'une « religion connue », mais avait simplement exercé son droit de manifester sa religion, un droit garanti par l'article 9 de la Convention (décisions no 1000/2001, 1001/2001 et 1002/2001).
II. Mesures d'ordre général
Les arrêts de la Cour ont soulevé le problème de l'interprétation et de l'application par les juridictions nationales des articles 175 et 176 du code pénal grec dans les affaires de chefs élus de certaines factions de la communauté musulmane en Grèce.
L'arrêt de la Cour européenne dans l'affaire Serif a été traduit en grec, diffusé par le ministère de la Justice à toutes les autorités judiciaires compétentes et publié dans Poiniki Dikaiosyni 3/2000 (pp. 272-275), une revue de droit pénal de grande audience. De plus, la traduction des deux arrêts a été publiée sur le site du Conseil juridique de l'Etat grec, www.nsk.gr.
Partant, l'interprétation contestée des articles175 et 176 du code pénal a été rapidement modifiée, les juridictions nationales ayant donné un effet direct à l'arrêt de la Cour européenne dans l'affaire Serif (voir la décision susmentionnée du tribunal pénal de Lamia en date du 28 mars 2001, puis celle du 24 avril 2002 de la cour d'appel de Thessalonique).
Le gouvernement grec considère que les mesures adoptées ont toutes deux remédié aux conséquences des violations constatées dans ces affaires et préviendront de nouvelles violations similaires à l'avenir. En conséquence, la Grèce a satisfait à ses obligations découlant de l'article 46, paragraphe 1, de la Convention dans les présentes affaires.